Palais De La Paix

Un avenir utopique … pour Scheveningen?!

La Haye doit son image actuelle à l’imagination des architectes et des dirigeants du passé plus ou moins lointain. Cependant, la ville aurait tout aussi bien pu avoir un aspect très différent. Pour le Palais de la Paix, par exemple, plus de 200 idées avaient été proposées. Pareillement, plusieurs projets de mairies, de lotissements ou des plans de rues n’ont tout simplement jamais été réalisés.

En 1945, mandaté par l’Office du Tourisme, Herman Rosse, créateur de l’intérieur du Palais de la Paix, est chargé de créer des plans de revitalisation de la station balnéaire de Scheveningen car la Seconde Guerre mondiale l’a durement touchée. Le mur de l’Atlantique – un vestige de la fortification construite par les Allemands qui rendait Scheveningen inaccessible par la mer – se dressait encore juste à côté des plages de sable fin. L’objectif du projet était de faire en sorte que la côte ne soit plus associée à la guerre, mais transformée en un lieu paisible au bord de mer où les gens pourraient à nouveau jouir de la vie.

Ayant lui-même vécu l’occupation nazie, et grâce à ses années d’expérience de grands projets pour Hollywood et le Palais de la Paix, Herman avait de grandes idées et rêvait d’un avenir radieux plein d’espoir. Il avait une vision utopique, presque science-fiction, de Scheveningen. Mais que voulait-il changer à Scheveningen et dans quelle mesure ses projets ont-ils été couronnés de succès ?

Le projet d’Herman Rosse pour Scheveningen : nouveau et resplendissant

Vision futuriste
Même s’il était né à La Haye, son passage aux États-Unis avait marqué Herman et sa vie et ses dessins étaient profondément influencés par la culture américaine. Pour la station balnéaire endormie de Scheveningen, il envisageait de créer une route de 100 mètres de large allant de Voorburg à Scheveningen, en passant par Koekamp, le Malieveld et le parc des Scheveningse Bosjes, afin de créer une véritable autoroute vers la plage. Et bien qu’ils ne soient pas encore utilisés dans les années 1940, Herman prévoyait de créer un parking souterrain pour des milliers de voitures et des dizaines de milliers de vélos ! Il était manifestement en avance sur son temps :  en garant toutes ces voitures et véhicules sous terre, ils ne perturberaient que très peu la beauté naturelle environnante.

Une grande partie des dessins d’Herman met en valeur le rapport entre le naturel et l’artificiel, un principe qui remonte au mouvement anglais des Arts and Crafts. Il se sert de techniques traditionnelles et les combine avec des lignes graphiques et des compositions modernes, mariant ainsi le passé au présent. Pareillement, ses dessins d’hôtels et de complexes événementiels sont tous en quelque sorte liés à la nature. Une de ses conceptions fascinantes par exemple était un hôtel, disparaissant complètement dans le paysage des dunes, destiné aux visiteurs plutôt aisés et aux amoureux de la nature. Les chambres de l’hôtel devaient ressembler à de petites villas, avec des intérieurs rappelant l’ancien temps de Scheveningen et de la pêche. Elles étaient rétro, mais modernes – et même climatisées !

Hôtel des Dunes, intégré au paysage

Les plans de modernisation de Scheveningen prévoyaient la construction d’un amphithéâtre en bord de mer qui pourrait être partiellement rempli d’eau afin que le public puisse assister à des spectacles de plongée. Tout comme le Forest Theater – le théâtre en plein air où Herman avait travaillé à Carmel-by-the-Sea en Californie – cet amphithéâtre était intégré dans le paysage environnant, qui servait en quelque sorte de toile de fond.

Herman avait même développé des idées pour transformer le littoral. En raison des dommages de guerre, la jetée était devenue sérieusement délabrée et, au lieu de la restaurer, Herman avait proposé de la supprimer. Selon lui, ces jetées étaient démodées et il voulait apporter quelque chose de rafraîchissant et d’innovant à Scheveningen.

Ce qu’il imagina à la place était fascinant. Dansant sur la mer, il y aurait un pavillon flottant auquel on ne pourrait accéder que par un tunnel sous-marin. Ce pavillon comporterait des salles de danse et des cafés et pourrait accueillir des spectacles de feux d’artifice, de lumière et de fumée. C’était de nouveau une tentative de relier la nature et la culture. Ses contributions récentes aux expositions universelles de Bruxelles (1935) et de New York (1939) avaient clairement inspiré Rosse à utiliser les technologies innovantes pour réaliser ses rêves. Comment Herman comptait-il financer ce projet incroyable ?

Le financement d’un rêve
Après avoir travaillé à de nombreuses expositions universelles au cours des années précédentes, la dernière ayant eu lieu à New York en 1939, Herman se rendit compte que l’organisation d’une exposition universelle à Scheveningen était la solution. Cela générerait beaucoup de revenus et, une fois l’exposition terminée, de nombreux pavillons spécialement construits pourraient tout simplement rester en place.

Malheureusement, les conceptions futuristes d’Herman n’ont pas été approuvées. Elles étaient beaucoup trop ambitieuses et coûteuses pour un pays qui venait à peine d’être libéré de l’occupation nazie. Les Pays-Bas venaient de survivre à l’hiver de la faim et tous les moyens dont disposait le gouvernement néerlandais étaient destinés à l’infrastructure et toutes ces choses dont le peuple avait désespérément besoin.

Malgré cela, les projets d’Herman faisaient partie d’une exposition au Panorama Mesdag. De cette manière, il est possible qu’ils aient indirectement influencé le développement de La Haye et de Scheveningen. Herman Rosse visait à démocratiser le bord de mer : alors qu’auparavant, la zone autour du Kurhaus était strictement réservée aux aristocrates, la plage est désormais accessible à tous, et non plus seulement à une minorité. Et les feux d’artifice qui étaient censés être tirés depuis un pavillon flottant ? Le pavillon n’a jamais été construit, mais chaque année, au mois d’août, des feux d’artifice sont tirés depuis une plate-forme située en mer.

Bien que 74 ans se soient écoulés depuis que Herman Rosse a proposé ses idées pour l’avenir de Scheveningen, certains de ses projets sont encore très intrigants et ont encore du mérite. Si un entrepreneur décidait aujourd’hui de construire cet hôtel dans les dunes, ce serait très certainement une attraction populaire.

Le fabuleux spectacle de lumière nocturne du pavillon flottant, vu de la plage

Un remerciement particulier à Monsieur Lex van Tilborg du Musée historique de La Haye pour sa contribution à cet article.


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